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Maman

Mon premier accouchement

Depuis longtemps j'ai envie d'écrire sur mon premier accouchement, poser des mots sur les maux. Cette phrase peut sembler bateau, mais pour moi elle veut dire beaucoup de choses. Parce que identifier son mal, le décrire et l'écrire ce sont des phases nécessaire pour la reconstruction future.



Alors maintenant, 6 ans après cet événement si beau mais si douloureux de ma vie, je peux en parler sans pleurer (enfin des larmes viennent qd même hein!!). Et je l'écris ici, non pas pour susciter des réactions en tout genre mais surtout pour te dire à toi, toi qui a peut-être vécu le même traumatisme, il peut y avoir le meilleur après...


Le dimanche 24 novembre 2013 au matin, je le sais, le travail commence, doucement... contractions-balade-contractions-brunch-contractions-balade- je commence à les ressentir douloureuses. Dans mon idéal d'accouchement ? Je fais le début du travail chez moi, ma copine sage-femme vient m'aider, 2e partie du travail à l'hôpital tout ça sans péridural...


Dans l'idéal bien entendu...car :

1 / ma copine qui devait m'accoucher n'est pas là ( quelle idée d'aller à Brest pour son DU aussi...!!)

2/ je déteste le mois de novembre ( la bougre a 3 semaines d'avance)

3/ mon mari est seul au service en ce moment. J'appelle une autre amie qui vient m'épauler. Vers 22h, elle me dit que c'est le moment d'aller à la maternité, je suis à 6 cm. Arrivée là-bas, je demande à prendre un autre bain...le col bouge à peine, je demande une péridurale , je suis fatiguée. Le lundi, notre bébé naîtra par ventouse à 7h25. Ce sera un premier échec pour moi cette ventouse. Mais ma fille est sublime et étonnante avec ses cheveux noirs et ses yeux en amande tout bleus.

On doit me recoudre – j'ai mal – impossible de garder Noélie sur moi elle va donc dans les bras de son papa – la plaie est profonde.


A partir de là, la notion de temps n'est pas respectée et des souvenirs reviennent mais bien entendu ce sont MES souvenirs et pas forcément les mêmes que les personnes qui m'ont entourée.


On finit de me recoudre, je prends ma fille dans mes bras et je lui donne pour la première fois le sein.

Quelques minutes ? Une petite heure ? après, une douleur gronde en moi, remonte à la surface forte, déchirante... j'appelle : on me met des antalgiques – c'est insuffisant – j'ai mal très mal, horriblement mal – on me dit qu'on va me reprendre au bloc opératoire mais qu'il y a une césarienne en cours – j'ai tellement mal – on m'anesthésie – black out.


Je me réveille, groguie, je ne sais pas l'heure mais mon mari est là, avec Noélie. J'ai encore mal – on me donne des antalgiques puissants, je somnole et puis la douleur est encore présente par vagues elle déferle.

A 18h, on me dit que j'ai perdu bcp de sang, que le thrombus est encore là, qu'ils n'arrivent pas à l'enrayer, qu'il faut me transférer dans un autre hôpital pour emboliser le vaisseau qui saigne. Mon mari qui venait juste de partir pour aller se doucher est appelé. On me transfuse et je pars en hélicoptère seule, ma fille restera elle, là ou j'ai accouché.


Là-bas, dans cet hôpital, on me technique, on me pique et repique : pied, bras, poignet, en artériel, on me pose une seringue de morphine, on me repose une sonde à urines, j'ai mal, je pense à ma fille et des larmes coulent.

Essayer d'être forte, ne pas comprendre, ne plus comprendre, perdre la notion du temps, perdre ses repères, perdre sa dignité, tomber au plus bas, lâcher prise, couler, et vouloir mourir.

Mon mari, c'est un calme, un pragmatique, mais il a commencé à s'agacer de cette prise en charge de merde, parce qu'on a appelé 1 fois, 2 fois, 3 fois, 4 fois pour s'entendre dire que « ça allait, ça ne saignait pas » alors que moi je le sentais que ça coulait, à l'intérieur, petit à petit, encore, encore... mais au moment où je lui ai dit : « J'ai trop mal, je ne supporte plus, je veux mourir », à ce moment là je crois que ça a grondé tellement fort en lui qu'il aurait pu exploser. Enfin, je pars me faire emboliser ce vaisseau. Il est 2h du matin.


Mardi.

On me place ensuite en surveillance en salle de réveil jusqu'à midi. Des aides-soignantes me font une toilette, c'est juste dégradant mais nécessaire. Mais entendre leurs réflexions comme si je n'étais pas là me donnent la nausée et me font paniquer (oulala mais j'ai jamais vu ça, Oh mon dieu). Je remonte dans ma chambre, mon compagnon qui est resté avec moi toute la nuit, est parti se reposer et voir Noélie. Ma maman est arrivée de Paris juste pour quelque heures, elle me fait un brin de toilette, reste à côté de moi, me prend la main. Je somnole. J'ai encore mal.

Noélie arrive à 18h avec mon compagnon. Elle est si belle. Je la prends dans mes bras. Enfin. Mais je ne vais pas te mentir, cette sensation de bien être ne m'envahit pas. Je la vois, elle est là. On me dit que si je veux l'allaiter, il faut qu'on arrête la morphine. Le dilemme est simple pour eux mais pour moi elle veut dire : allaitement et souffrance. Alors je serre les dents. Je suis incapable de m'en occuper seule pour la nuit, elle sera donc garder en pouponnière. Encore une nuit sans elle et sans la mettre au sein...


Je resterai encore 5 jours, des soignants plus ou moins bienveillants et sympathiques se succéderont, des personnes que j'ai connues en tant qu'étudiante sage-femme, et j'ai quitté cette maternité en me disant que leur prise en charge était complètement pourrie. Un accompagnement de merde pour l'allaitement ( heureusement, ma fille a été une championne : 48h sans donner le sein et hop elle l'a pris sans sourciller, avide de se nicher au creux de moi. 72H après mon accouchement j'ai eu ma montée de lait...), une prise en charge de la douleur de merde, et une empathie de merde.


Le retour à la maison a été assez simple bizarrement même si j'avais mal mais au moins je prenais des antalgiques puissants, j'étais exténuée, même si les visites se sont succédées ( après coup j'aurais dû tout annuler mon dieu qu'on est bête pour un premier). Noélie a été un bébé parfait : elle ne pleurait pas bcp – mangeait toutes les 3h. Je la regardais, je l'observais, mais cet élan d'amour je n'arrivais pas à l'avoir.. ma fille oui...mais est-ce que je l'aimais ? J'avais beau la trouver belle, ce sentiment qu'on décrivait dans les livres, ce sentiment de plénitude je ne l'avais pas... pas encore...


Et l'allaitement a fait son effet... oui je suis persuadée que grâce à l'allaitement j'ai pu enfin faire la connexion avec ma fille. A force d'être avec elle, en tête à tête, cet amour a fini par arriver. Petit à petit j'ai enfin pu lui dire que je l'aimais... mais ça ne s'est pas fait tout de suite, il a fallu du temps...

5 mois plus tard, la douleur physique est partie, mais je me suis pris la douleur psychique en pleine gueule... reprendre le travail a été l'élément déclencheur. Je me demandais comment prendre en charge mes patientes alors que moi je n'avais pas su accoucher... ne pas savoir faire la part des choses, je mélangeais tout, je faisais des cauchemars, je paniquais, je pleurais. J'allais en garde la peur au ventre, cette impression de ne servir à rien.


Je suis allée voir une psychologue. Mettre des mots sur mes maux. Déculpabiliser.Verbaliser. Et pouvoir aimer...


9 mois après la naissance, faire renaître l'espoir et être enceinte de morue 2... 9 mois après, ça ne s'invente pas...


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